« Vers l’obscurantisme » islamiste ? La députée Fatima Houda-Pepin s’inquiète pour la Tunisie et, surtout, pour la Libye
Page 1 sur 1
« Vers l’obscurantisme » islamiste ? La députée Fatima Houda-Pepin s’inquiète pour la Tunisie et, surtout, pour la Libye
Québec
— Un « détournement de démocratie » par l’islamisme et l’instauration
de la charia : voilà à quoi risquent d’aboutir les transitions en
Tunisie, mais surtout en Libye, croit Fatima Houda-Pepin. Et ces
changements, qui ne sont pas étrangers à la maladresse de nos
interventions d’Occidentaux, pourraient un jour nous affecter,
s’inquiète-t-elle.
Photo : collection de l’Assemblée nationale. La politologue et députée
Fatima Houda-Pepin, première vice-présidente de l’Assemblée nationale
La députée de La Pinière et première
vice-présidente de l’Assemblée nationale a exprimé cette inquiétude au
salon bleu la semaine dernière dans une déclaration de députée. Bravo
pour les révoltes du Printemps arabe, a-t-elle d’abord indiqué. Bonne
nouvelle aussi que ces élections en Tunisie et la chute d’un tyran,
Kadhafi. Mais dans l’ancien pays de Ben Ali, les islamistes d’Ennahdha
se sont imposés dans les urnes. Et en Libye, le Conseil national de
transition a déjà annoncé l’instauration d’un régime islamiste sous
l’autorité de la charia, loi islamique.
Cette volonté, exprimée de surcroît par
Moustapha Abdel Jalil — lui-même ancien ministre de la Justice sous
Kadhafi —, a bouleversé Mme Houda-Pepin. « Est-ce cela la démocratie ?
Est-ce cela la cause pour laquelle nous avons envoyé nos armées se
battre en Libye au sein de l’OTAN ? », s’est-elle exclamée en Chambre.
Sans compter, ajoute-t-elle en interview, qu’Abdel Jalil « n’est pas un
élu, n’a pas de mandat de la population en tant que tel ».
Les islamistes sont rusés,
remarque-t-elle : « Ils savent que les démocrates du monde sont
inquiets. Alors, ils nous font croire que leurs régimes islamistes
seraient "modérés". » Islam « modéré » ? Une imposture, à ses yeux. « Le
fondement même de la charia est d’être antidémocratique »,
déclarait-elle encore à l’Assemblée nationale. Pourquoi ? Ses lois et
règlements sont « imposés au nom d’une certaine idée de Dieu, une idée
qui ne peut être changée par la volonté humaine ». Ainsi, « à quoi bon
élire des députés si les parlementaires ne peuvent ni introduire ni
modifier des lois découlant d’une charia immuable écrite au XIVe
siècle ? Quelle tristesse pour ce magnifique printemps arabe qui n’aura
duré qu’une saison ! ».
En entrevue, elle poursuit. Dans ces
contextes, que signifie la charia ? « C’est l’implantation de la
polygamie, c’est le divorce par simple répudiation, c’est l’amputation
de la main pour celui reconnu coupable de vol, c’est des châtiments
corporels, c’est la lapidation. Est-ce que c’est vers ça qu’on s’en va ?
Vers l’obscurantisme ? »
2005 et 2006 : une motion contre l’instauration de tribunaux islamiques au anada et au Québec
Mme Houda-Pepin n’en est pas à sa
première dénonciation de l’islamisme radical. On se souvient qu’en 2005,
elle proposait une motion à l’Assemblée nationale — qui sera finalement
adoptée à l’unanimité — contre le projet d’instauration de tribunaux
islamiques au Canada et au Québec. « Le jour où je révélerai dans
quelles conditions j’ai fait adopter la motion du 26 mai 2005, il y a
bien des barbes qui vont tomber », lâche-t-elle, énigmatique, refusant
d’épiloguer. En 2006, peu après l’arrestation de 17 présumés terroristes
islamistes torontois, elle dénonçait dans nos pages le « cancer » de
l’extrémisme en train de « se répandre dans la communauté ».
Depuis, l’emprise de cette mouvance
« n’a pas vraiment reculé », soutient-elle. « Elle est de plus en plus
sophistiquée, de plus en plus présente dans différents milieux. » Ici
aussi, la députée se ferme lorsqu’on lui demande d’expliciter, de donner
des exemples. « Je vais m’abstenir. » Elle se rabat sur un fait
public : l’invitation faite par une association étudiante de
l’Université Concordia aux militants islamistes britanniques Abdur
Raheem Green et d’Hamza Tzortzis aux propos choquants sur le droit des
femmes et des homosexuels. Depuis l’émergence des Frères musulmans en
Égypte dans les années 1930, « cette mouvance est en marche ». « Ces
gens-là, ils ont tissé leur toile à l’échelle mondiale. Et donc, ils
portent leur message partout, y compris dans les démocraties modernes.
D’où cette visite. Ce n’est pas la première. L’endoctrinement, ça fait
partie de leur stratégie de pénétration auprès des jeunes, auprès des
personnes vulnérables ici et ailleurs. » Elle s’inquiète aussi de
phénomènes récents, comme la revendication de « zones de charia », au
Danemark par exemple.
Tunisie et Libye
Pour la politologue et députée, « nous
tardons à prendre la mesure de la menace qui pèse sur nos droits et
libertés par certains groupes radicaux ». Et la naissance possible, à
l’étranger, de pays islamiques n’est pas de bon augure à ses yeux.
Certes, la Tunisie, ce n’est pas la Libye. « La Tunisie s’est soulevée
par elle-même, sans intervention extérieure. Un soulèvement porté par
les jeunes. » De plus, souligne-t-elle, il y avait une société civile en
Tunisie, et les jeunes y sont généralement bien éduqués. « Il y a eu
des progrès majeurs en ce qui a trait aux droits des femmes. On avait
aboli la polygamie, les femmes ont le droit au divorce, ne sont pas
obligées de porter le voile, etc. »
Le résultat des dernières élections
reste préoccupant, à ses yeux : « Pour moi, ce n’est jamais une bonne
nouvelle lorsqu’en politique, on mêle la religion, on s’approprie la
religion, on essaie d’imposer à la société tout entière, un code, des
valeurs, des lois, des règlements qui émanent d’une certaine
interprétation de la religion. »
Quant à la Libye, Fatima Houda-Pepin
s’étonne que les pays occidentaux ne dénoncent pas plus fortement
l’annonce concernant la charia, « une véritable gifle à l’OTAN ». Puis
elle élargit l’analyse : partout où les Occidentaux sont intervenus
depuis quelques années — Afghanistan, Irak, Libye —, leur leitmotiv
était « la démocratie ». « Or, sitôt Kadhafi mort, la Libye s’empresse
de proclamer l’autorité suprême de la charia. Et en Afghanistan, on fait
quoi ? On va négocier avec les talibans ! C’est choquant. »
À ses yeux, il aurait fallu intervenir
différemment. « Si, depuis qu’on est intervenu pour la première fois en
Irak en 1990, on avait investi sur le long terme avec une sorte de plan
Marshall, aujourd’hui, on en récolterait les résultats », croit-elle.
Notes biographiques pour Madame Fatima Houda-Pepin
26 décembre 1951 : Naissance à Meknès au
Maroc. Janvier 1975 : Arrivée au Québec. 12 septembre 1994 : Première
élection dans La Pinière. 26 mai 2005 : Elle fait adopter une motion à
l’unanimité à l’Assemblée nationale s’opposant à l’implantation des
tribunaux islamiques au Québec et au Canada. 26 mars 2007 : Réélection
pour un 4e mandat. Le 8 mai 2007, Fatima Houda-Pepin devient première
vice-présidente de l’Assemblée nationale, poste qu’elle occupe depuis.
Elle est réélue pour un 5e mandat le 8 décembre 2008.
Source : Le Devoir, 31 octobre 2011.
Lire aussi :
<li>« À l’unanimité, l’Assemblée nationale du Québec rejette les tribunaux islamiques au Canada. Allocutions des députées Fatima Houda-Pepin, PLQ, et Jocelyne Caron, PQ ».
</li><li>« Appui à la motion de l’Assemblée nationale du Québec contre des tribunaux islamiques en droit de la famille », par Élaine Audet et Micheline Carrier, Sisyphe, 29 juin 2011.
</li><li>Des tribunaux islamiques au Canada ? Rubrique de plusieurs textes.
</li><li> Vida Amirmokri, Homa Arjomand, Élaine Audet, Micheline Carrier, Fatima Houda-Pepin, Des tribunaux islamiques au Canada ?,
éditions Sisyphe, 2005. Ce livre contient la motion que Fatima
Houda-Pepin a fait adopter à l’assemblée nationale du Québec contre
l’instauration de tribunaux islamiques au Canada et au Québec.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 31 octobre 2011
</li>
— Un « détournement de démocratie » par l’islamisme et l’instauration
de la charia : voilà à quoi risquent d’aboutir les transitions en
Tunisie, mais surtout en Libye, croit Fatima Houda-Pepin. Et ces
changements, qui ne sont pas étrangers à la maladresse de nos
interventions d’Occidentaux, pourraient un jour nous affecter,
s’inquiète-t-elle.
Photo : collection de l’Assemblée nationale. La politologue et députée
Fatima Houda-Pepin, première vice-présidente de l’Assemblée nationale
La députée de La Pinière et première
vice-présidente de l’Assemblée nationale a exprimé cette inquiétude au
salon bleu la semaine dernière dans une déclaration de députée. Bravo
pour les révoltes du Printemps arabe, a-t-elle d’abord indiqué. Bonne
nouvelle aussi que ces élections en Tunisie et la chute d’un tyran,
Kadhafi. Mais dans l’ancien pays de Ben Ali, les islamistes d’Ennahdha
se sont imposés dans les urnes. Et en Libye, le Conseil national de
transition a déjà annoncé l’instauration d’un régime islamiste sous
l’autorité de la charia, loi islamique.
Cette volonté, exprimée de surcroît par
Moustapha Abdel Jalil — lui-même ancien ministre de la Justice sous
Kadhafi —, a bouleversé Mme Houda-Pepin. « Est-ce cela la démocratie ?
Est-ce cela la cause pour laquelle nous avons envoyé nos armées se
battre en Libye au sein de l’OTAN ? », s’est-elle exclamée en Chambre.
Sans compter, ajoute-t-elle en interview, qu’Abdel Jalil « n’est pas un
élu, n’a pas de mandat de la population en tant que tel ».
Les islamistes sont rusés,
remarque-t-elle : « Ils savent que les démocrates du monde sont
inquiets. Alors, ils nous font croire que leurs régimes islamistes
seraient "modérés". » Islam « modéré » ? Une imposture, à ses yeux. « Le
fondement même de la charia est d’être antidémocratique »,
déclarait-elle encore à l’Assemblée nationale. Pourquoi ? Ses lois et
règlements sont « imposés au nom d’une certaine idée de Dieu, une idée
qui ne peut être changée par la volonté humaine ». Ainsi, « à quoi bon
élire des députés si les parlementaires ne peuvent ni introduire ni
modifier des lois découlant d’une charia immuable écrite au XIVe
siècle ? Quelle tristesse pour ce magnifique printemps arabe qui n’aura
duré qu’une saison ! ».
En entrevue, elle poursuit. Dans ces
contextes, que signifie la charia ? « C’est l’implantation de la
polygamie, c’est le divorce par simple répudiation, c’est l’amputation
de la main pour celui reconnu coupable de vol, c’est des châtiments
corporels, c’est la lapidation. Est-ce que c’est vers ça qu’on s’en va ?
Vers l’obscurantisme ? »
2005 et 2006 : une motion contre l’instauration de tribunaux islamiques au anada et au Québec
Mme Houda-Pepin n’en est pas à sa
première dénonciation de l’islamisme radical. On se souvient qu’en 2005,
elle proposait une motion à l’Assemblée nationale — qui sera finalement
adoptée à l’unanimité — contre le projet d’instauration de tribunaux
islamiques au Canada et au Québec. « Le jour où je révélerai dans
quelles conditions j’ai fait adopter la motion du 26 mai 2005, il y a
bien des barbes qui vont tomber », lâche-t-elle, énigmatique, refusant
d’épiloguer. En 2006, peu après l’arrestation de 17 présumés terroristes
islamistes torontois, elle dénonçait dans nos pages le « cancer » de
l’extrémisme en train de « se répandre dans la communauté ».
Depuis, l’emprise de cette mouvance
« n’a pas vraiment reculé », soutient-elle. « Elle est de plus en plus
sophistiquée, de plus en plus présente dans différents milieux. » Ici
aussi, la députée se ferme lorsqu’on lui demande d’expliciter, de donner
des exemples. « Je vais m’abstenir. » Elle se rabat sur un fait
public : l’invitation faite par une association étudiante de
l’Université Concordia aux militants islamistes britanniques Abdur
Raheem Green et d’Hamza Tzortzis aux propos choquants sur le droit des
femmes et des homosexuels. Depuis l’émergence des Frères musulmans en
Égypte dans les années 1930, « cette mouvance est en marche ». « Ces
gens-là, ils ont tissé leur toile à l’échelle mondiale. Et donc, ils
portent leur message partout, y compris dans les démocraties modernes.
D’où cette visite. Ce n’est pas la première. L’endoctrinement, ça fait
partie de leur stratégie de pénétration auprès des jeunes, auprès des
personnes vulnérables ici et ailleurs. » Elle s’inquiète aussi de
phénomènes récents, comme la revendication de « zones de charia », au
Danemark par exemple.
Tunisie et Libye
Pour la politologue et députée, « nous
tardons à prendre la mesure de la menace qui pèse sur nos droits et
libertés par certains groupes radicaux ». Et la naissance possible, à
l’étranger, de pays islamiques n’est pas de bon augure à ses yeux.
Certes, la Tunisie, ce n’est pas la Libye. « La Tunisie s’est soulevée
par elle-même, sans intervention extérieure. Un soulèvement porté par
les jeunes. » De plus, souligne-t-elle, il y avait une société civile en
Tunisie, et les jeunes y sont généralement bien éduqués. « Il y a eu
des progrès majeurs en ce qui a trait aux droits des femmes. On avait
aboli la polygamie, les femmes ont le droit au divorce, ne sont pas
obligées de porter le voile, etc. »
Le résultat des dernières élections
reste préoccupant, à ses yeux : « Pour moi, ce n’est jamais une bonne
nouvelle lorsqu’en politique, on mêle la religion, on s’approprie la
religion, on essaie d’imposer à la société tout entière, un code, des
valeurs, des lois, des règlements qui émanent d’une certaine
interprétation de la religion. »
Quant à la Libye, Fatima Houda-Pepin
s’étonne que les pays occidentaux ne dénoncent pas plus fortement
l’annonce concernant la charia, « une véritable gifle à l’OTAN ». Puis
elle élargit l’analyse : partout où les Occidentaux sont intervenus
depuis quelques années — Afghanistan, Irak, Libye —, leur leitmotiv
était « la démocratie ». « Or, sitôt Kadhafi mort, la Libye s’empresse
de proclamer l’autorité suprême de la charia. Et en Afghanistan, on fait
quoi ? On va négocier avec les talibans ! C’est choquant. »
À ses yeux, il aurait fallu intervenir
différemment. « Si, depuis qu’on est intervenu pour la première fois en
Irak en 1990, on avait investi sur le long terme avec une sorte de plan
Marshall, aujourd’hui, on en récolterait les résultats », croit-elle.
Notes biographiques pour Madame Fatima Houda-Pepin
26 décembre 1951 : Naissance à Meknès au
Maroc. Janvier 1975 : Arrivée au Québec. 12 septembre 1994 : Première
élection dans La Pinière. 26 mai 2005 : Elle fait adopter une motion à
l’unanimité à l’Assemblée nationale s’opposant à l’implantation des
tribunaux islamiques au Québec et au Canada. 26 mars 2007 : Réélection
pour un 4e mandat. Le 8 mai 2007, Fatima Houda-Pepin devient première
vice-présidente de l’Assemblée nationale, poste qu’elle occupe depuis.
Elle est réélue pour un 5e mandat le 8 décembre 2008.
Source : Le Devoir, 31 octobre 2011.
Lire aussi :
<li>« À l’unanimité, l’Assemblée nationale du Québec rejette les tribunaux islamiques au Canada. Allocutions des députées Fatima Houda-Pepin, PLQ, et Jocelyne Caron, PQ ».
</li><li>« Appui à la motion de l’Assemblée nationale du Québec contre des tribunaux islamiques en droit de la famille », par Élaine Audet et Micheline Carrier, Sisyphe, 29 juin 2011.
</li><li>Des tribunaux islamiques au Canada ? Rubrique de plusieurs textes.
</li><li> Vida Amirmokri, Homa Arjomand, Élaine Audet, Micheline Carrier, Fatima Houda-Pepin, Des tribunaux islamiques au Canada ?,
éditions Sisyphe, 2005. Ce livre contient la motion que Fatima
Houda-Pepin a fait adopter à l’assemblée nationale du Québec contre
l’instauration de tribunaux islamiques au Canada et au Québec.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 31 octobre 2011
</li>
Sujets similaires
» Tunisie Le parti islamiste Ennahda affirme vouloir respecter les homosexuels
» Tunisie : le succès d’Ennahdha fait trembler la laïcité
» Tunisie: Le viagra est désormais légal...quand en Algérie?
» Entre Islam et Liberté : une conversation avec Habib Sayah sur la nouvelle Tunisie
» POUR AMITIE
» Tunisie : le succès d’Ennahdha fait trembler la laïcité
» Tunisie: Le viagra est désormais légal...quand en Algérie?
» Entre Islam et Liberté : une conversation avec Habib Sayah sur la nouvelle Tunisie
» POUR AMITIE
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum